Para Fruit de la passion
Para Fruit de la passion
C’est le genre de végétal envahissant dont on se passerait bien dans un jardin : une liane grimpante, étirée de haut en bas et de gauche à droite, dont les tiges se terminent en vrille pour mieux enlacer (étouffer ?) les autres végétaux comme autant de tuteurs indispensables à sa croissance. Certes ! Sauf que cette liane-là, on en veut dans tous nos fa’a’apu, tant elle donne des fruits d’une saveur incomparable.
Ce sont des Jésuites qui, au milieu du 15e siècle, en pleine jungle sud-américaine, aux confins de l’actuel Paraguay, du Mato Grosso brésilien et du nord de l’Argentine, se régalèrent de ces fruits très juteux, qui pendaient entre palmes et larges feuilles de végétaux inconnus. Leur chair jaune vif est empêtrée de petites graines noires et protégée par une peau extérieure au pouvoir anesthésiant sur les lèvres. Attention d’ailleurs quand vous souhaitez couper en deux un fruit de la passion. La peau, légèrement huilée, résiste à la lame. Assurez votre incision en enfonçant la pointe de la lame de votre couteau avant de chercher à séparer les deux moitiés du fruit, sous peine de voir le couteau riper sur vos doigts.
Une fleur passionnée
La fleur hermaphrodite qui donne naissance à ces fruits rafraichissants a une forme très particulière. Chef d’œuvre artistique de la nature, elle dévoile ses charmes en retirant une couronne de cils blancs à la base, fragiles et légers, dont l’extrémité s’achève sur un violet éclatant. Au centre, comme le cœur d’un artichaut, elle élève son calice comme un pédoncule qui arbore une croix en guise de corolle. Les missionnaires y virent la croix de la passion du Christ, le pistil dessinant une couronne d’épines, les pétales comme autant de clous de la crucifixion. La barbadine, comme on l’appelait alors, ou grenadille, devint fruit de la passion ou passiflore, nom issu du latin Passiflora quadrangularis. Sa liane, histoire de rester dans le thème chrétien, a été appelée passionaria : elle met tant d’ardeur à se marier aux autres végétaux, avec une croissance de plusieurs centimètres par jour quand les conditions sont réunies, que l’on comprend ce surnom.
Des baies rondes ou ovoïdes de quelques centimètres sont les fruits de cette passionaria, liane aux belles fleurs odorantes originaire du Paraguay, du Brésil tropical et du nord-est de l’Argentine. La peau qui protège la pulpe est charnue.
Fruits de la passion à Tahiti
La passiflore fut découverte lors de la conquête du Mexique, et son nom fut attribué par les missionnaires jésuites au 15e siècle qui voyaient dans sa fleur les instruments de la passion de Jésus-Christ. En effet, son pistil, les dessins de sa corolle et diverses pièces florales donnent l’image d’une couronne d’épine, du marteau et des clous de la crucifixion.
En Polynésie, trois variétés sont présentes, sur plus de 400 espèces connues en Amérique du sud, dont une vingtaine est comestible.
Ces plants de passiflore ont probablement été introduits à Tahiti entre 1840 et 1860, par l’un de ces nombreux voyageurs et des passionnés de botanique tels que le docteur Johnstone, Abadie, Harrison Smith, Félix Robin, l’amiral Louis Adolphe Bonard ou encore Monseigneur Tepano Jaussen. La variété jaune vif, ronde, est la plus répandue. Quel plaisir que de croiser ces gros œufs pendants quand on se promène au cœur des vallées des îles hautes. Mais quelle surprise aussi, à la dégustation, d’avoir un fruit à la pulpe (appelée arille) aussi acide, au point qu’on se demande s’il est mûr ! Cette variété a besoin de se flétrir légèrement en surface pour être à point. Ce n’est pas le cas de la passiflore à peau rouge grenat, beaucoup plus douce au goût. Pour chaque fruit de la passion englouti, vous ferez le plein de carotène, de vitamine C et de fibres, ainsi que du potassium et du phosphore utile à la solidité de vos os.
Des propriétés apaisantes
Autre avantage de cette liane : elle donne des fruits toute l’année.
Avec la cuisine de nos îles, le fruit de la passion se marie aussi bien avec d’autres fruits que des mets salés. Le fruit de la passion est d’ailleurs consommé nature, comme un « œuf à la coque », mais aussi en salades de fruits, en espuma, en sorbet, en sauces aigres-douces. Il apportera cette inimitable petite touche d’acidité dans de nombreuses préparations, y compris des cocktails avec ou sans alcool. Vous ressentirez alors un certain bien-être vous envahir. Non, ce n’est pas l’alcool de votre cocktail, mais bien le fruit de la passion, qui soulage les troubles du sommeil, de l’anxiété et du stress.
Alors, vous en plantez quand dans votre jardin ?