Fe’i , la banane des dieux Banane Plantain
Fe’i , la banane des dieux Banane Plantain
Quand les Européens arrivèrent en Polynésie, plusieurs types de bananes étaient endémiques.
De l’espèce originaire (Musa paradisiaca L), le mei’a local, les Tahitiens connaissaient plusieurs variétés. La banane poussait en plaine et son caractère sucré en avait fait un met plutôt réservé aux grandes familles. Les plus humbles (manahune notamment) se contentaient, en tout cas officiellement, d’une banane non sucrée, qu’ils consommaient cuite ou crue : musa troglodytarum L, une variété qui poussait alors plutôt en montagne, entre 400 et 1200 m : le fe’i. A l’instar du ’uru et de la coco, c’était l’un des aliments de base des Tahitiens, connu dans les Caraïbes sous le nom de banane plantain, banane jaune ou banane farine.
34 variétés de mei’a et 18 variétés de fe’i ont été recensées par Teuira Henry (Tahiti aux temps anciens, p. 42-43).
Du four aux rituels
La banane a besoin d’un sol riche pour se développer. On a ainsi longtemps cru que le fe’i, poussant sur des sols parfois plus ingrats en montagne, était sauvage : il n’en est rien. L’un comme l’autre avait une importance particulière en Polynésie orientale, tout particulièrement à Rapa Nui, l’île de Pâques, où le ’uru ne s’était pas acclimaté et où le cocotier, pourtant célébré par des hymnes, ne s’était pas développé. Des jardins en profondeur de fe’i et de mei’a protégeaient ainsi les plantations, notamment des chiens et des rats.
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Les feuilles de fe’i ou mei’a étaient utilisées pour envelopper la nourriture lors des festins cérémoniels et pour l’empêcher de brûler dans les fours enterrés en leur apportant l’humidité nécessaire à la cuisson. Mais pas seulement.
Les jeunes pousses de fe’i sont décrites dans les sources comme possédant au moins trois “significations” rituelles : un signe de paix (ainsi que semble le montrer la gravure ci-dessus, présentant Wallis rencontrant la reine Purea, du puissant clan des Teva) ; une marque de respect ; une sorte d’ex-voto, de représentation humaine de substitution lors de rituels particuliers.
Selon le capitaine Cook, (Beaglehole, 1967:218), le fe’i, en tant que feuille d’arbre, est souvent mentionné en tant que première chose introduite, dans toutes les cérémonies, mais aussi dans les débats, qu’ils soient publics ou privés, et dans d’autres occasions qu’on ignore sans doute. Quand les messagers venaient de Moorea voir Otoo (ou Tu, ancien nom jusque vers 1790 du futur roi Pomare), ils venaient toujours avec une jeune pousse de fe’i dans la main qu’ils déposaient devant Tu avant de dire un seul mot, puis ils s’asseyaient et énonçaient ce qu’ils avaient à dire. Cook ajoute : “J’ai vu deux hommes se disputer âprement et j’ai pensé qu’ils allaient en venir aux mains, quant l’un d’eux présenta un plant de fe’i devant l’autre. Là, ils devinrent calmes et réglèrent leur différend. C’est, pour résumer, en toute occasion, leur “rameau d’olivier.”
Cook ne cite pas d’exemple d’utilisation religieuse, mais le fe’i fut utilisé, selon Douglas Oliver (Ancient Tahitian Society, 1974, toujours une bible pour les passionnés d’étude polynésienne), avec la même signification, dans les rituels religieux.
Oliver évoque aussi un 3e usage : des longues tiges, nommées “man-long plantains” (ta’ata mei’a roa), étaient utilisées pour représenter ou être substituées à un homme, lors d’offrandes, prières, rituels, sorcellerie ou désignation de bouc-émissaire.
Enfin, une pièce cylindrique issue du cœur du fe’i était entourée autour de la peau de certains enfants, pour les “purifier”. Cook n’avait pas identifié les propriétés de la plante, ni pourquoi dans ce contexte particulier elle était appelée la “banane des dieux” (Henry, 1928). La banane de montagne, était plutôt réservée, dans sa consommation, aux couches inférieures de la population, quand la banane de plaine (mei’a), plus sucrée, avait les faveurs des ari’i (aristocrates) et autres ra’atira (hommes libres). Toujours est-il qu’elle fut utilisée comme un accessoire ritualisé de façon plus importante.
Sources historiques :
Teuira Henry, Douglas Oliver, Christophe Serra Mallol.
Références complètes disponibles à la bibliothèque universitaire de Polynésie française.