TUPA, ce méconnu crabe de terre
TUPA, ce méconnu crabe de terre
Pique-nique à Temae (Moorea)
Le tupa, ou crabe de terre, est un crustacé terrestre que vous aurez largement l’occasion de croiser lors de votre séjour.
Il pullule dans certains endroits de l’île. Mais de là à l’accuser de nuisances, mieux vaut faire de cette star méconnue de vos assiettes un met d’un rare exotisme.
On lui donne le redoutable nom scientifique de Cardisoma carnifex. Un peu exagéré, ce carnifex latin, qui signifie bourreau. Si le tupa impressionne par ses grosses pattes, il en pince plus pour les herbes folles et quelques cadavres d’insectes qu’il n’est un tueur redouté. Ah, si, tout de même : c’est bien le bourreau des terre-plein routiers, des berges et des gazons. Il passe son temps à creuser, sans jamais reboucher. Et n’essayez pas de le noyer dans son terrier, il adore l’eau dont il ne saurait se passer. C’est pourquoi il vit dans les zones marécageuses, les biotopes où la nappe d’eau saumâtre est proche de la surface ou à l’arrière des plages. Si vous le croisez, un soir de lune ou de fine pluie, ne cherchez pas à l’approcher. Il vous regardera en biais, sa pince menaçante levée et vous tiendra tête, chat, chien ou homme, qui que vous soyez.
CHASSE AU TUPA
Ce beige carnifex est ramassé de nuit, à la main ou piégé à la sortie de son terrier, quand tombe le soir. A Temae, c’est à la moripata, la lampe torche, que François part à la chasse aux crabes. Aveuglés, ils ont du mal à savoir où porter leurs coups. C’est heureux pour notre chasseur, qui ne saisit de sa main libre, par l’arrière, que des grosses pièces. Le crabe de terre est comestible, c’est à n’en pas douter. Mais il apprécie les cha-rognes, la terre et les herbes. Une fois capturé, on lui prescrit donc un régime spécial d’une dizaine de jours, parfois plus, jusqu’à ce qu’il ait vidé ses intestins. Pas un jeûne thérapeutique, non, mais un régime à base de papaye, mangue, potiron. De l’eau surtout, en abondance, sans laquelle les tupa s’assèchent et ne se purgent pas. Petit à petit, ils se vident de leur terre et de leur nourriture de bord de mer. Au bout d’une douzaine de jours, ils sont prêts pour la cuisine.
PLUS GOURMAND QU’IL N’Y PARAÎT
Comme il a la réputation d’avoir un intérêt gustatif médiocre, il est peu chassé. C’est un tort. D’abord parce qu’en surnombre, sa prolifération s’accompagne d’autant de galeries souterraines indésirables. Ensuite parce que sa consommation est plus qu’honorable, surtout comparée à son prix de vente modeste. C’est tant mieux pour nous. Bien sûr, le tupa n’est pas le crabe royal d’Alaska, mais une fois qu’il a bien jeûné, sous l’œil attentif de François qui veille à son équilibre alimentaire, puis qu’il passe entre les mains d’un chef comme Frédéric Plantecoste, du restaurant Le Velvet, alors quel régal ! Nous avons eu la joie de partager un pique-nique peu commun, près du phare de Temae, en bord de plage. Le barbecue rougissait finement. Après le travail de préparation des crabes, la veille (un gros travail, n’en doutez pas !), les recettes furent préparées puis dégustées en bord de mer. Les enfants jouaient, le vin frais accompagnait les rires, les bouches murmuraient leur contentement dans un roulement d’yeux satisfait. Un petit moment de partage comme on en vit ici. A Moorea.