Pahua l’atout des Tuamotu Bénitier
Pahua l’atout des Tuamotu Bénitier
EN POLYNÉSIE, L’ESPÈCE LA PLUS RÉPAN-DUE DE PAHUA, BÉNITIER EN FRANÇAIS, EST LE TRIDACNA MAXIMA. LE PAHUA, AINSI DONC QU’ON LE NOMME DANS L’AR-CHIPEL DE LA SOCIÉTÉ ET AUX AUSTRALES (KOEHA DANS LES TUAMOTU DE L’EST), EST UN HÔTE CLASSIQUE DES RÉCIFS CORALLIENS. ADMIRÉ POUR SON MAN-TEAU AUX COULEURS CHATOYANTES, IL EST DÉGUSTÉ, LES JOURS DE FÊTE, POUR SA CHAIR TENDRE, À LA TEXTURE FINE ET AU PARFUM IODÉ.
Le pahua (du genre Veneroida et de la famille Cardiidae, si vous voulez tout savoir) est un bivalve sessile, autrement dit qui a deux valves formant sa coquille (reconnaissable par ses 5, 6 ou 7 côtes qui dessinent son coquillage) et pas de pied visible pour se fixer. Il n’a rien à voir avec le paua maori, du genre haliotis (dont il porte souvent le nom), abalone pour les anglicistes et que l’on connaît en France sous le nom d’ormeaux. Si le paua est non seulement réputé pour sa chair savoureuse, mais aussi pour la nacre irisée bleue de sa coquille, ce que l’on admire chez le pahua polynésien, c’est ce vert et bleu manteau, assez épais, parfois piqueté d’autres chatoyantes couleurs et motifs innombrables. Sur le bord de sa coquille, dans les lobes du manteau, il étend ses papilles arrondies qui s’étirent à la lumière pour assurer la photosynthèse de ses algues symbiotiques. Cela n’a rien d’une impudeur, et contribue à nourrir l’organisme. Quand arrive un prédateur, c’est avec une vitesse surprenante qu’il se rétracte. Et si l’imprudent a le malheur de se retrouver entre les deux valves au moment de la fermeture, il est brisé net tellement le muscle adducteur est puissant.
Pas de rahui mais du bon sens
En Polynésie, comme dans tout le bassin indo-Pacifique, le pahua Tricadna Maxima partage son aire de répartition avec le Tridacna squamosa, en minorité certes, mais avec lequel il est capable de s’hybrider : on appelle cela des espèces sympatriques (on ne les fête pas pour autant le 17 mars !). A Tubuai, une belle légende rapportée par Tahiti Héritage raconte qu’il était strictement interdit, sous peine de décapitation, de jeter les coquilles de bénitier n’importe où. Un lieu précis dans le lagon avait été choisi pour cela. Après des décennies, l’accumulation de coquilles de bénitiers a créé un motu en bordure du lagon : le motu Pahua. Les anciens continuent à faire vivre cette tradition en allant jeter leurs coquilles à cet endroit.
Le terme Pahua est également le nom du vil-lage principal de l’atoll de Mataiva (Tuamotu, à l’ouest nord-ouest de Tikehau). Posé sur le quai, en bordure de passe, comme deux valves ouvertes en guise de bienvenue, il accueille les visiteurs de cet atoll touristique qui est l’un des préférés des Tuamotu.
Dans nos archipels, on aime déguster les pahua les jours de fête. Car ce n’est pas un mets quotidien. Cela explique sans doute pourquoi il est moins menacé qu’ailleurs dans le monde. C’est d’ailleurs un sacré travail que de pêcher de quoi nourrir une famille. On le consomme traditionnellement en taioro, réalisé avec la chair de noix de coco bien mûre, râpée et fermentée avec un peu d’eau de mer, du jus de tête de chevrette et du jus de citron local : un régal !
Mets de fête
Dans de nombreux endroits du monde, sa récolte à des fins gastronomiques ou décoratives a fait chuter sa population, au point que l’espèce est désormais menacée et ne peut plus faire l’objet de prélèvements (ce dont se moquent les braconniers, sa plus grande menace aujourd’hui avec la pollution). Sa croissance extrêmement lente et sa faible fertilité ne l’aident pas à contrer cette tendance.
En Polynésie, sa pêche est encadrée, même si aucun rahui n’a été mis en place pour le pahua : aucun bivalve ne peut être prélevé en-dessous de 12 cm.
Cependant, les stocks de bénitiers des îles urbanisées de la Société sont devenus faibles, hors certaines zones bien gérées. L’exploitation de sa chair dans les Tuamotu-Est et les Australes est d’environ 70 t/an (statistiques 2001-2010). Ceci offre un revenu non négligeable aux pêcheurs de ces îles.
Exploitation durable, bravo !
Or, aux Tuamotu de l’Est, voire dans certaines îles des Australes, le bénitier atteint des concentrations remarquables et même uniques par rapport au reste du monde corallien. Afin que la Polynésie puisse conserver ces gisements naturels rares (que l’on appelle parfois mapiko* dans certains atolls de l’Est), dès les années 1990, la Polynésie française a mis en place, par l’intermédiaire du service de la Pêche, un programme de gestion, d’exploitation et de repeuplement de bénitiers dans les lagons polynésiens, via un programme bénitiers.
Objectif : une méthode durable d’exploitation.
Depuis 2001, deux voies ont été développées pour gérer cette ressource afin de l’exploiter rationnellement et fournir un revenu durable aux populations de ces îles :
• Élaboration de méthodes d’exploitation durable à partir d’études des stocks et des pêcheries, et d’études appliquées sur la biologie du bénitier.
• Mise au point d’une technique aquacole de collectage de naissains, de transport, d’élevage et de repeuplement.
Les sites retenus pour ce programme de recherche sont Tatakoto et Fangatau pour les Tuamotu de l’Est (où les densités maximales recensées atteignent respectivement 544 et 136 ind/m², des valeurs uniques au monde !) et Tubuai pour les Australes.
Par ce programme, la Polynésie française est considérée comme le pays pionnier dans le monde pour le développement de ces techniques écologiques, simples d’utilisation et peu coûteuses, à des fins d’aquariophilie, de réensemencement ou d’aquaculture. Et, on ose le dire, sauver le bénitier Tridacna Maxima de l’extinction.
* Des agrégations naturelles de bénitiers vivants sur le fond du lagon et de bénitiers morts à la surface forment des accumulations détritiques de coquilles qui, progressivement, deviennent des petits îlots, les mapiko.
Ci-contre à droite : les coquilles de bénitier à des fins décoratives ont largement dépeuplé les régions du monde où ces gisements sont désormais menacés.