Mei’a banane
Mei’a banane
Bien dans sa peau… de banane !
LE BANANIER, MEI’A POUR LES POLYNÉ-SIENS, N’EST PAS UN ARBRE, MAIS UNE HERBE GÉANTE, ET SON FRUIT EST UNE BAIE. ENCORE FALLAIT-IL LE SAVOIR. CELA N’A PAS EMPÊCHÉ LES ANCIENS POLYNÉSIENS DE VOIR EN CE VÉGÉTAL ET SON FRUIT DES PROPRIÉTÉS GUSTATIVES, NUTRITIVES ET CULTURELLES QUI FONT TOUJOURS AUJOURD’HUI LE BONHEUR DE NOS TABLES.
Quand nous avons présenté le fē’i (Tama’a #02, p. 98), appelé plantain par les Européens (Musa × paradisiaca), nous avons évoqué un aspect culturel et historique commun aux deux types de bananiers, fē’i et mei’a. Ajoutons ici qu’à l’arrivée des Européens, l’espèce originaire de bananier sans doute après introduction puis croisements adaptatifs était mei’a, la «banane» tahitienne sucrée, Musa paradisiaca L. Le nom « banana » fut emprunté par des explorateurs européens du XVe siècle au vocabulaire de certaines tribus qui vivaient au sud du fleuve Sénégal, en Afrique de l’Ouest (aujourd’hui la Guinée). Ce nom a progressivement dérivé en « banane ».
l’herbe géante au fruit indémodable
Le bananier n’est pas un arbre, mais une herbe géante qui peut monter à 6 m de haut pour les plus imposantes. Son fruit, qui est une baie, passe du vert foncé au jaune canari avant de virer marron quand elle est dépassée. La chair passe du blanc ivoire au jaune pâle en passant par des roses orangés tendres pour certaines variétés. Comme nombre de fruits, la banane est climactérique : elle mûrit une fois coupée de son végétal.
Les bananiers se reproduisent par des rejets à leur base, rejets qui se développent une fois que le bananier qui a donné son régime est coupé. Leur croissance est relativement rapide et leur productivité importante. Le bananier était donc un composant très important des systèmes agricoles polynésiens, utilisé à la fois comme élément des cultures «par roulement» et comme végétal pérenne dans les jardins. La banane plantain, fē’i, avait une importance particulière en Polynésie orientale, à Tahiti et tout particulièrement à l’île de Pâques où des jardins en profondeurs protégeaient les plantations. Les différentes variétés de bananes nécessitent un sol riche pour se développer correctement, et celles poussant en montagne n’auraient été en rien sauvages.
Les feuilles de bananier étaient utilisées pour envelopper la nourriture lors des festins cérémoniels, et pour l’empêcher de brûler dans les fours enterrés en leur apportant l’humidité nécessaire à la cuisson.
34 variétés différentes
Les fruits étaient mangés crus ou cuits en fonction des variétés, après une préparation sous forme de crème ou de pâte mélangée à d’autres végétaux et à du lait de coco, notamment la banane plantain, fe’i (Musa troglodytarum) qui, contrairement aux précédentes, est une variété de banane qui pousse plutôt sur les hauteurs (de 400 à 1200 mètres) dans la montagne. Le fe’i constituait également un des aliments de base des Tahitiens, et surtout des plus humbles, alors que la banane de plaine, naturellement sucrée, aurait été plutôt réservée aux chefs, selon Ferdon Edwin N. 1981. Early Tahiti As The ExpIorers Saw It, 1767-1797, Tuc-son, The University of Arizona Press, p.182.)
Les Tahitiens connaissaient plusieurs variétés de bananiers mei’a. Trente-quatre variétés de mei’a (bananes et plantains des terres basses) et dix-huit de plantain de montagne ou fē’i ont d’ailleurs été rapportées par Teuira Henry (p. 42-43 de son livre Ancient Tahiti, Tahiti aux temps anciens). Nous ne résistons pas au plaisir de la poésie de ces noms qui renvoient au passé des premiers explorateurs polynésiens : vaihi, puroini popaa, rehu, hamoa… (Serra-Mallol, p. 37-38)
La banane de Chine (Musa sinensis), très sucrée et très appréciée des Polynésiens, fut introduite en 1845 par M. Ridwill, 5 ans avant la plus petite banane Rio (Musa sapentium) introduite par l’Amiral Bonard.
La banane ex-voto
Cook en 1769 avait relevé l’importance symbolique de l’utilisation de la feuille de bananier pour apaiser un conflit ou ramener la paix entre deux individus. Les plants issus de la variété ta’ata mei’a roa, « grand bananier-homme », servaient à représenter un homme ou une forme humaine dans des cas d’offrandes, de divination, sorcellerie ou dans la nécessité d’un bouc-émissaire (transfert de sanction).
Le cœur de bananier, dans le cas d’infections infantiles, était roulé sur leur peau pour, selon Teuira Henry (p. 183) les « purifier ». On ignore pourquoi et quelle variété de bananier était utilisée, sinon qu’elle était alors appelée « le bananier des dieux » (Douglas L. Oliver, Ancient Tahitian Society – p. 108). Un joli nom pour un végétal qui donne un fruit que les enfants, au goûter comme en dessert, trouvent indémodable et… divin. N’est-ce pas ?