Les champignons de Tahiti
Les champignons de Tahiti
Des pleurotes à Papeete (qui l’eut cru ?)
Ce sont sans doute les champignons les plus simples à élever. Ce n’est pas pour autant que c’est facile, surtout sous nos latitudes, ou chaleur et humidité sont un cocktail que la mycorhization n’apprécie pas beaucoup. L’humidité, si. La chaleur, non : aussi votre pièce d’élevage doit-elle rester autour de 18-20°C maximum.
La pleurote en huître pousse de l’automne à l’hiver selon les régions, en touffes sur les feuillus vivants ou tombés. Elle se développe généralement en grappes sur la blessure d’un tronc, sans être un parasite pathogène : on appelle cela un saprophyte. D’où l’expression : “ à qui saprophyte le crime ? ” (nous rappelons au rédacteur de l’article que la pleurote se cuisine, elle ne se fume pas… Ndlr).
C’est dans son jardin, à Tahiti, que David a décidé, il y a deux ans maintenant, d’élever des pleurotes. Quelle drôle d’idée ? Et pourquoi pas du taro ou du ufi ? A bien y regarder, son jardin était petit et le voisin produisait déjà du taro et du ufi. Pas de pleurotes. Ah, logique infaillible quand tu nous tiens ! Sur le côté de sa maison, il a donc construit un petit bâtiment discret, étanche, climatisé dans lequel on doit se faufiler. Une fois à l’intérieur, pas de doute : il fait frais. Et puis, on est saisi par une espèce d’odeur de sous-bois, moins vive qu’un automne dans les forêts de Cîteaux* après la pluie, où les parfums de mousse humide et de feuilles en décomposition, embaument la forêt d’une délicate effluve, mais tout de même : le sous-bois est bien là.
Mycorhizé avant tout
David se passe d’automne, de forêt et de feuilles fines flottant, rouges, brunes et jaunes, dans l’air de fin de saison. Son sous-bois à lui a l’allure d’un labo, où s’entassent des seaux en plastique sans grand charme et des espèces de cylindres de paille anonymes. Cependant, ils possèdent en eux la vie. Le mélange qui est ici élevé a été mycorhizé. Ce nom barbare (perdu : grec !), qu’on aimerait avoir au scrabble une fois dans sa vie, fut créé en 1885 sur les radicaux grecs myco, (non, pas la glace, le champignon !) et rhiza, la racine. Voici donc le champignon qui prend racine sur la plante. On s’est très vite rendu compte qu’il avait surtout besoin d’un substrat nourrissant, stérile, que de simples déchets végétaux faisaient l’affaire, du moment qu’ils étaient abrités dans un endroit maintenu à la température et au degré d’humidité adéquats.
Ce type de culture semble avoir démarré en Hongrie et s’est ensuite étendue en Europe, en Amérique et en Asie. Elle représente 25 % de la production mondiale de champignons.
Délicat, velouté, doux
Les seaux de paille de David possèdent ces deux avantages : d’être mycorhizés d’abord, et d’offrir gite et couverts aux futurs champignons. Après cela ? Après cela vous n’en saurez pas plus : secret professionnel oblige. C’est une histoire d’expérience, de tentatives, d’échecs, d’investissement, de nuits blanches, de savoir-faire acquis peu à peu…
Après quelques années d’essais, le temps de la présentation des pleurotes de Tahiti aux chefs du fenua est venu. Ils ont senti, ils ont goûté et n’en sont pas revenus.
On est d’accord, ce n’est pas une morille ni une trompette de la mort en termes de texture,
ni une girolle ou une cèpe pour ce qui est de la qualité gustative. Mais bien assaisonné, il apporte en accompagnement d’un plat une saveur douce, délicate et une texture veloutée.
Les pleurotes de Tahiti étaient nés. Elles restent un luxe, car David doit d’abord atteindre un
volume minimal pour vendre sa production à meilleur prix, mais elles valent le détour.
Alors, à Noël, pour accompagner les œufs parfaits, le magret ou le chapon, une petite poêlée de champignons de Papeete ?