Coques de whangaparaoa
Coques de whangaparaoa
ALORS QUE NOUS NOUS SOMMES RÉGALÉS DES OR-MEAUX DE BRUNO OGER (LES FAMEUX HALIOTIS OU PAUA DES MAORI, CÉLÈBRES POUR LEUR CHAIR MAIS SURTOUT POUR LEUR NACRE) ET DES PAHUA DE NOS CHEFS TAHITIENS, C’EST À UNE PÊCHE À PIED, À LA RECHERCHE DE COQUES, DONT LA DÉGUSTATION EST UN GRAND MOMENT, QUE L’ÉQUIPE DE TAMA’A S’EST LIVRÉ, DANS LE NORD DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE.
En avril dernier, alors que nous complétions nos connaissances sur le grand prêtre Tupai’a, dont nous rédigeons l’aventure dans InstanTANE, l’équipe de Smile s’est arrêtée à Whangaparaoa (prononcer « f » le « wh ») sur la côte nord-est de l’île du nord, sur la route qui monte à Bay of Islands et Waitangi, à environ 45 minutes d’Auckland.
La zone, des collines plongeant dans des baies toutes plus belles les unes que les autres, est fortement urbanisée, disons pavillonnaire. En suivant les pancartes Shakespear Regional Park, vous arriverez bientôt dans une aire protégée, où nichent en toute liberté toutes sortes de volatiles. Les toutous sont en laisse, les aménagements pour les familles sont parfaitement pensés (comme c’est souvent le cas en Nouvelle-Zélande ou en Australie) et la police surveille de près, mais en toute discrétion, les lieux.
Une pancarte nous informe que nous sommes sur la bonne voie : 50 cockles par personne maximum. C’est ce qu’il faut pour que l’on évite la surpêche… et les abus. Comme cette dame qui avait un restaurant et qui s’est fait prendre avec plus de 2500 coques dans ses sacs : après une forte amende, elle s’est vue condamnée à ne plus mettre un pied dans le parc !
Le ciel est bas en cet automne austral, mais il ne pleut pas et le vent est tombé. Parfait pour une partie de pêche. Au loin, de l’autre côté de la baie, Auckland nous salut de ses hautes tours et de la cime pointue de la Sky Tower. Chaussures et chaussettes sont retirées, le pantalon est remonté et nous débutons notre marche dans la baie où l’eau s’est retirée. Attention : si vous souhaitez aller pêcher les coques, prenez soin de vérifier la marée. Il y a généralement un bon créneau de quelques heures chaque jour.
Cette fois-ci, c’est 15h30.
Il faut avancer de deux ou trois centaines de mètres environ pour commencer à chercher. Comme les plus paresseux ont fouillé les premières dizaines de mètres de vase, c’est plus loin du bord que les belles coques sont encore enfouies dans le sable.
Le soleil a chauffé ce sable épais et un brin collant juste ce qu’il faut pour ne pas avoir froid aux pieds. La sensation est agréable… jusqu’à ce que votre plante de pied rencontre une coque vide inattendue qui rentre dans la chair comme un caillou sur une pelouse anglaise.
On couine, on trébuche, on se dandine, on en rigole.
Comme des échassiers, les fesses en l’air, les mains dans le sable mouillé et la tête proche des pieds, nous fouillons. Il faut prendre son temps avec cette pêche à pied : beaucoup de coques sont trop petites, beaucoup de coquilles sont vides. Parfois, comme pour un chercheur d’or, nous trouvons un filon : quelques dizaines de coques à taille de dégustation réglementaire (au moins 3 cm : en-dessous, autant manger du vent) paressent côte à côte.
Le sac est plein, nous rentrons. Enfants et adultes se sont bien amusés, il est 16h45, le soleil est encore haut. Sur la plage, nous rinçons pieds, mollets et coques. D’emblée (nous sommes habitués), nous avons apporté sacs étanches et gros sel : il va falloir leur faire rendre leur sable, à nos coques. Quelques heures de trempage avant la cuisson. Ce soir, ce sera à la crème et au lard, avec une pointe de curry, d’oignon vert et de fenouil nain* : cela relève le parfum iodé des coques et leur finale de noisette fraîche. Les sauvignons blancs de Cloudy Bay, Craggy Range ou Saint-Clair seront une merveille en accompagnement de ce plat exquis.
Le ciel est resté bas. Il semble au loin se charger d’anthracite et de bleu profond, qui annonce une nuit arrosée…
* baby fennel, déniché au magasin Farro de Grey Lynn que tout gourmet visitant Auckland se doit d’arpenter