‘āvōta Avocat

Un fruit bien défendu

L’avocat est à la Polynésie ce que le sable blanc est à Paris-Plage : il n’a rien d’endémique et pourtant, on ne saurait s’en passer. S’il a mis trois siècles à s’imposer dans la gastronomie française, frileuse des nouveautés issues de mondes lointains et inconnus, il a conquis la table des Polynésiens avec la même facilité que l’ananas. La saison bat son plein, c’est le moment d’en profiter.

L’avocat (Persea americana) ou plus académiquement poire d’avocat, est le fruit de l’avocatier, un arbre de la famille des Lauraceae, originaire du Mexique. Le mot avocat provient de l’espagnol aguacate, lui-même dérivé du mot de langue des Indiens Caraïbes nahuatl ahuacatl qui signifie « testicule », par analogie à la forme de cet organe. Voilà qui est dit !
Le Mexique est, de loin, le premier producteur mondial de ce fruit (à lui seul 30 % de la production mondiale), ainsi que le premier exportateur et le premier consommateur. Il a été rejoint ces dernières années par l’Afrique du sud, mais au prix de pollutions problématiques.
Sa couleur varie de vert à vert-brun et il renferme une graine. Sa grosseur évoque celle d’un noyau : en fait, l’avocat est une grosse baie à un seul pépin. Comme la tomate, c’est un fruit, pas un légume.

Vous avez dit climactérique ? j’appelle mon avocat !
Les fruits des variétés les plus couramment commercialisées ont la taille d’un gros citron (150 à 200 g), mais il existe aussi des variétés plus grosses (plus de 1 kg) ou miniatures : avocats-cornichons. Dans nos îles, il n’est pas rare de déguster des pièces de plus de 400 g. L’avocat est relié à la branche par un pédoncule plus ou moins long. Il est sexué et devra être fécondé par un arbre mâle.
C’est un fruit climactérique tout comme la banane, la mangue, la pomme ou la tomate  : cela signifie simplement que sa maturation est associée à la production d’éthylène. Autrement dit, contrairement au litchi, à la fraise ou au concombre, qui doivent être mûrs quand ils sont cueillis et consommés rapidement sous peine de pourrissement, les fruits climactériques mûrissent après avoir été cueillis. Ils changent alors de couleur, de texture et de goût, jusqu’à être prêts pour leur consommation.
Le fruit comestible est en forme de poire avec une écorce lisse verte ou violacée suivant les variétés. La pulpe, molle comme du beurre, de couleur vert-jaune et au goût de noix, est très fibreuse, grasse (de bonnes graisses mono-in-saturées) et énergétique (pleine de vitamines, phosphore et magnésium).

Des variétés inégales
Il existe plus d’une dizaine de variétés d’avocats couramment commercialisées, dont la Fuerte et la Hass, à la peau noire et rugueuse, qui sont les plus consommées en France. Ils ne produisent pas toujours de façon rentable dans nos îles. A Tahiti comme en Nouvelle- Calédonie, on peut citer le Pernod, le Hall, la Choquette, le Nishikawa, le Anaheim ou le Reed. Moins productifs et souvent déconseillés en vergers, mais excellents en goût et texture, on peut aussi reconnaître dans les jardins de nos îles les Tahiti 15, Lula, Hellen, Francis Hart ou Hass. Quelques autres variétés présentes, comme le Rincon ou le Nowels, sont considérées comme peu productives. Le fruit grossit sur l’arbre, où il peut rester plusieurs mois, mais il ne mûrit qu’une fois cueilli. Dans le magasin, un avocat dur est donc signe de fraîcheur et non d’une cueillette trop précoce. On peut aussi le laisser mûrir à température ambiante, au lieu de le mettre au réfrigérateur. Si vous avez besoin d’un mûrissement accéléré, n’hésitez pas à l’entourer dans sa corbeille d’autres fruits producteurs d’éthylène, cela accélérera son processus. Une fois entamé, pulvérisez dessus une huile neutre ou du citron, de façon à éviter son oxydation rapide. Si vous avez un avocatier dans votre jardin, prenez garde que votre compagnon à 4 pattes ne joue pas avec le noyau, ni ne consomme la chair. L’avocat est en effet très toxique pour les chiens. Certains locaux en font d’ailleurs un excellent piège à rats, en réduisant en purée le noyau, mélangé avec de la farine et du fromage. L’homme de son côté n’a heureusement pas ces soucis d’intoxication.

DES PROPRIÉTÉS MÉDICINALES
L’avocat, la chair comme le noyau, entre dans la composition d’un grand nombre de produits pharmaceutiques. Il est inutile de citer tous ses bienfaits : des intestins au crâne, il aide à soigner bon nombre de maux. Il prend soin de votre cœur grâce à ses graisses mono-insaturées. Lutéine et zéaxanthine permettent de contrer certaines maladies de l’œil. Ses fibres (3,4 g pour 100 g) sont essentielles au bon fonctionnement de votre système digestif et aident à stabiliser votre taux de sucre sanguin. Son acide oléique est un coupe- faim : pour résumer grossièrement, il est aussi gras qu’il peut vous faire maigrir. Un demi-avocat fournit 81mg de folate, un nutriment diminuant le risque d’anomalies congénitales chez les nouveau-nés. Riche, crémeux et contenant des gras mono-insaturés, l’avocat ralentit la digestion. Ce fruit aide également à empêcher la glycémie d’augmenter brutalement après un repas. Essayez de troquer le beurre, la margarine ou la mayonnaise par une purée de ce fruit crémeux : on y revient, au bon sens du beurre du Polynésien !

Le beurre du pauvre fait fureur
Ce fruit, importé du Mexique en Europe du sud par les Espagnols au 17e siècle, a mis près de 300 ans pour trouver sa place dans la gastronomie française. A Tahiti, la paternité de son introduction revient à l’amiral Ferdinand Alphonse Hamelin en 1846. Surnommé le beurre du pauvre en Amérique latine, l’avocat (‘āvōta en reo mā’ohi, suite à un emprunt à la langue française) est ici le beurre des Tahitiens, qui l’étalent toujours sur la baguette trempée dans le taofe du matin. Cette façon de consommer a d’ailleurs conquis ses adeptes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où le Avocado Spreed, la margarine d’avocat, a séduit une population vegan ou souhaitant maîtriser son cholestérol. Attention cependant à bien choisir sa marque, certains fabricants n’hésitant pas à mélanger l’avocat à l’huile de palme et à des émulsifiants. Dans les années 2000, c’est frais et finement assaisonné que sa consommation a pris une autre ampleur. Le poke bowl Californian style, mariant un ahi poke hawaiien avec des tranches d’avocat marinées en a fait un incontournable des milieux branchés de la côte ouest des Etats-Unis, au point qu’il devienne une star des restaurants, des salades, tartines et autres grillades, porté par les mouvements healthy ou vegan. Les chefs gastronomiques ne sont pas en reste. C’est donc avec un réel plaisir gourmand que nous vous invitons à découvrir les créations de nos chefs tahitiens, des îles ou de nos partenaires de Nouvelle-Zélande.

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A retrouver dans le magazine Tama’a n°07