Vi papa’a Mangue

Vi papa’a Mangue
Il paraît que le manguier est l’arbre fruitier le plus répandu au monde. Son aire d’origine semble, tout comme le vī tahiti son cousin du Pacifique, venir d’Asie du sud-est, plus particulièrement le sud du Myanmar (anciennement Birmanie), au nord-ouest de la Thaïlande. Importé à Tahiti dans les années 1850, il s’est plu dans nos îles au point d’en coloniser chaque vallée.
C’est un grand arbre que le manguier. On le repère dans les forêts tropicales des îles hautes de nos archipels en raison de deux marqueurs très familiers : sa hauteur remarquable, avec un houppier qui tutoie les cieux à plus de 15 mètres ; le vert foncé de son feuillage qu’il a dense, et qu’il illumine, comme un sapin de Noël éclairé, par de multiples grappes de fruits qui se colorent, en période de récolte, de rose, d’orange et de rouge.
Du Cachemire à la Mission
S’il est originaire du Myanmar, où il pousse encore à l’état sauvage (ses fruits sont alors fibreux comme la pomme cythère), c’est en Inde qu’il a pris ses lettres de noblesse (et où les premiers individus ont été greffés), au point que son fruit, qui se termine en pointe relevée comme un nez en trompette, est devenu le motif de base du cachemire… Si si, mirez dans vos penderies, vous ne l’aviez jamais remarqué mais c’est vrai.
C’est le Contre-Amiral Le Goarant de Tromelin, célèbre pour avoir donné l’assaut sur Hawaii en 1849 qui introduit les premiers plans de manguiers à Tahiti quelques mois auparavant, en 1848. Quatre ans plus tard, l’Amiral Bruat importa la variété de mangue-pêche (peau rouge et chair jaune, aujourd’hui très répandue au Sénégal). L’amiral Bonard enfin, rapporta également de nouvelles variétés de manguiers. Au début des années 60 enfin, des missionnaires catholiques introduisirent une variété de mangues que l’on appela avec une évidence confondante les manguiers-mission.
Une variété indigène très proche, le vī tahiti ressemble aux variétés mangifera indica. Ayant remarqué la ressemblance, les Polynésiens baptisèrent alors le plus naturellement
du monde le fruit des manguiers importés vī popa’ā ou vī papa’ā : les vī européens.
100 ans pour tout coloniser
Au milieu du siècle dernier, la plaine côtière et les vallées de Mahina étaient recouvertes
par de majestueux manguiers, de la variété ’ohure pi’o. Ils ont été coupés pour faire passer les lignes électriques : les fils qui transportaient la lumière semblaient alors plus importants que ces arbres centenaires. Un très bel article est d’ailleurs à lire à ce sujet sur Tahiti Heritage. (https://www.tahitiheritage.pf/manguiers-mahina/)

On peut voir des manguiers dans de nombreux jardins, dans les vallées, au bord des routes. Les manguiers du jardin de l’évêché sont parmi les plus beaux de Tahiti, le manguier le plus célèbre restant celui qui a donné son nom à la pizzeria du nord de Papeete qui porte son nom et qui bénéficie de son ombre bienfaisante.
Tant de variétés, tant de goûts différents
On trouve différentes variétés en Polynésie française, qui ont été listées de façon exhaustive dans le Guide des fruits de Tahiti et ses îles (éd. Au Vent de Îles, 2005). Les plus recensées, ainsi que l’indique tahitiheritage.pf sont les
suivantes :
mangue atoni ; manguier sauvage à fruits très parfumés mais fibreux
vī ’ohure pi’o surnommée mangue cul en l’air, ne demandez pas pourquoi
mangue mission, importée vers 1860 par les missionnaires catholiques. C’est un fruit à peau cireuse et lisse, jaune verdâtre à rouge orangé avec un gros noyau central. Sa chair, très juteuse, et jaune orange est riche en vitamines A et C et source de carotène. opureva (mangue violette),mangue carotte, mangue tutehau, mangue trésor.
Les mangues les plus fameuses au goût sont les mangues greffées : leur parfum est exceptionnel : en fruit frais, en sorbet, c’est un fruit d’une grande onctuosité, avec une mâche fondante et une longueur en bouche vraiment exceptionnelle.
Réglées comme des horloges
La couronne dense et lourde est composée de milliers de feuilles longues, lisses, comme lustrées. Presque rouge et pendantes à leur naissance, elles prennent vite conscience de leur nouvelle importance dans l’arc-en-ciel des verts qui les entourent et se redressent fières, vertes foncées, marqueurs indélébiles du Territoire, des bords de route comme des vallées. Bientôt, des grappes de fleurs ornent l’arbre, qui se pare alors de rouge pâle. De cette floraison, des mangues pendront aux branches dès août pour certains, novembre pour la plupart, février pour d’autres, comme des cerises en juin. Une fois mûres, ce sont d’autres grappes qui interviennent : des grappes de jeunes Polynésiens souvent, armés de longues perches en bambou équipées d’un filet au bout. Avec une rare dextérité, ils se placent sous le fruit et en cassent d’un coup net le pédoncule (la tige qui relie le fruit à sa branche). Quelques minutes plus tard, ils se reposeront, à l’ombre d’un frangipanier, assis sur un muret, une planche posée sur deux tréteaux approximatifs ornée de tas de mangues qu’ils espèrent vendre d’ici le soir. Ne vous inquiétez pas si vous les achetez trop vertes à votre goût : comme la banane ou le kiwi, la mangue est « climactérique » et peut donc mûrir après la cueillette.
Ce goût si particulier
Le fruit est une drupe ovale. Leur peau, un peu dure, est lisse, résistante et prend des teintes vert rosé à jaune rouge, notamment du côté exposé au soleil. Cette peau contient un latex blanc : sachez-le, vous qui êtes peut-être allergiques. Si les fleurs peuvent provoquer des problèmes d’allergies respiratoires, la sève du manguier et la peau des mangues peuvent provoquer des dermites irritatives de contact.
Ces fruits ont une chair jaune orangé très juteuse et fondante. Le goût caractéristique de térébenthine, que l’on retrouve aussi dans le vī tahiti, varie en fonction des variétés. Les meilleures mangues, de couleur jaune-orange, ont une chair douce et un goût légèrement sucré avec une pointe poivrée. Ils sont dépourvus de filaments, contrairement aux fruits sauvages qui ont une chair fibreuse. On croque alors dedans comme dans une pêche, en prenant garde cependant au noyau, plus gros.
Outre son parfum enivrant et son goût si évocateur de l’exotisme, la mangue n’est pas dénuée de vertus : ses feuilles, en cataplasme ou en infusion, réduisent les expressions de l’asthme ou les quintes de toux des bronchiteux, de la goutte (n’hésitez pas à arrêter la bière, la goutte s’arrêtera sans la mangue…) et des inflammations. Ses fleurs, baignées longuement dans le monoi, apporteront leurs propriétés antirhumatismales. Le suc qui coule du tronc traite la gale. Attention, c’est une maladie, pas une rigolade : soignez vos enfants quand ils l’ont. Et si le suc du manguier ne suffit pas, allez chez le taote.
Le reste du temps, régalez-vous, le fruit sert d’abord à cela.
Lire aussi (lien vers) Vi tahiti – Mangue tahitienne ou pomme cythère