Paru nohu, le roi des profondeurs Poisson
Paru nohu, le roi des profondeurs Poisson
Le paru est depuis longtemps la star des Noëls polynésiens traditionnels. Dans les îles et les districts, entre fête chrétienne et de retour de l’abondance, les poissons des hauts fonds retrouvent les honneurs de nos tables. Le paru nohu notamment, roi des profondeurs abyssales, à l’honneur une fois par an de ces tables de fêtes. Et c’est une récompense que de goûter sa chair.
Il y a quelques années, un programme d’inventaire des ressources marines, le ZEPOLYF, avait été mené par l’IRD, l’Ifremer, l’Université, le Pays via le Service de la pêche et d’autres organismes territoriaux ou nationaux. Il avait pour aire d’étude la vaste Zone économique exclusive (ZEE) de Polynésie française et avait donné lieu à plusieurs publications. L’une d’elles fut consacrée aux paru, sous la direction de Cédric Ponsonnet. Elle a été d’une grande aide pour la rédaction de cet article.
Une grande partie des paru appartiennent à la famille des Lutjanidés. On les connaît en métropole sous le nom de vivaneaux, snappers en anglais. L’autre grande partie des paru appartient elle à la famille des Serranidae, qui regroupe nombre d’espèces (barbiers, anthias, serrans, vieilles ou encore poissons-savons), mais dont on retient généralement les loches et les mérous (grouper en anglais).
Des dizaines d’espèces
Paru, en reo mā’ohi, distingue les poissons qui vivent en profondeur, les espèces démersales, même si toutes ces espèces ne s’appellent pas toutes paru. Qu’ils soient paru a’ahi (perche ardoise), paru tiane’e (fausse anguille), paru iri pu’a (poisson savon moucheté, dont la peau est toxique), paru matapu’u (loche rouge du large), paru tonu (mérou châtaigne), paru hoa (loche dorée), paru rehu, vivaneau à tâches jaunes, (vivaneau blanc), paru ta’ape, vivaneau d’argent, et j’en oublie, ils ont été répertoriés par le Service de la pêche dans un magnifique document que vous pouvez télécharger*.
Le roi des paru
Les Polynésiens traditionnels se rabattront toujours sur l’un ou l’autre de ces paru : la pêche n’est pas une science exacte. Mais si leur pêcheur préféré est en veine, il en est un qui aura les faveurs de leur table : le paru nohu. Les scientifiques l’ont appelé Pontinus macrocephalus, rascasse grosse tête, pour les plus francophiles (à prononcer toujours avec le poisson à proximité et jamais en regardant dans les yeux une inconnue : cela pourrait être mal pris…), Large-headed Scorpionfish en anglais. Ce n’est pas le plus beau poisson que vous aurez à voir. Les poissons des profondeurs ne le sont généralement pas, avec leurs grands yeux, leur air préhistorique et leur mâchoire menaçante. Notre paru nohu, issu d’un monde sombre et froid (il vit principalement entre 350 et 450 m de profondeur), ne trahira pas cette réputation. Son aire de répartition s’étend de l’Indonésie à l’est de nos eaux. A l’ouest, en raison de la surpêche industrielle, il est menacé. Dans la ZEE, il n’est pas – encore – en danger.
Aire de répartition
Le paru nohu est plus présent aux Australes et dans l’archipel de la Société qu’aux Tuamotu. Il semble absent des Marquises, sans doute en raison d’un manque d’oxygène dans l’eau. Comme beaucoup de ses cousins proches des profondeurs, le nohu vit très longtemps. Sa maturité sexuelle (qui provoquera leur reproduction) est donc tardive. En conséquence, la pêche doit être mesurée, sous peine de menacer l’espèce puisque l’individu pêché peut ne pas s’être encore reproduit. Interdire la pêche industrielle, avec des chaluts pélagiques, semble donc parfaitement adapté. L’utilisation de palangres horizontales de fonds ou de palangres verticales est plus mesurée. Mais elle est rare chez les pêcheurs polynésiens.
Pêche d’antan
Ici, la patience est de mise. Et puis on aime
pêcher comme les pères de nos pères, la ligne à main avec moulinet. Le bas de ligne plombé (1 à 2 kg) est relié au bateau par une ligne à main, souvent du nylon monofilament, sinon des fils plus fins, plus résistants (et plus chers, bien entendu). Avec cela, le pêcheur peut sentir le poisson mordre. Au bout de la ligne, l’hameçon qui retient bien l’appât gras et odorant, frais et huileux, a ceci de particulier qu’il rappelle la forme des hameçons en nacre du 19e siècle. Ainsi, quand on pêche le paru des profondeurs, en espérant que ce soit un nohu de fête, sur cet océan qui semble éternel, à l’ombre de nos îles, c’est plus qu’un poisson que l’on pêche. C’est le souvenir des pêches d’antan, les émotions partagées qui traversent le temps, des gestes qui paraissent innés, ou transmis, éternels quoi qu’il en soit. On se perd dans nos pensées. Mais… la ligne vient de bouger non ? Le festin prochain remonte. “ Tama’a !, A table ! ”