Ufi Igname
Ufi Igname
Ce “ tubercule du pauvre ”, symbole de disette ou de période de crise, ufi en reo mā’ohi, a pas mal d’atouts sous son air de patate mal lavée. Et une belle histoire à raconter.
L’igname dit ufi (Dioscorea alata, D. esculenta) est une racine allongée et ronde, à la chair fibreuse, farineuse et sucrée. Elle constituait un végétal de remplacement du ’uru. Seules deux espèces auraient été cultivées dans nos îles : Discorea alata et Discorea esculenta, dont la racine, parfois énorme, peut atteindre le poids de deux kilogrammes et demi.
A partir de ces deux espèces, cinq variétés d’ignames étaient cultivées dans les îles polynésiennes, mais leur culture n’a été réellement développée que dans l’ouest de la Polynésie. La plus importante, le grand igname (Dioscorea alata), était l’aliment de base des îles de l’ouest de la Polynésie. Il ne constituait qu’un aliment de complément dans les îles de la Société.
En effet, en cas de disette naturelle, sans parler des destructions liées à un conflit armé où, selon la coutume ‘ātorera’a te moa ufa, “ l’éventration de la poule ” (Henry, p. 319), le vainqueur d’un conflit détruisait arbres, récoltes et population. (Ellis, p. 190-195). L’alimentation changeait alors et donnait souvent naissance à une cuisine spécifique. Cette nourriture de temps de disette était appelée īa’a ou mā’a a’aa’a, autrement dit “ nourriture filandreuse ”, “ qui n’a pas la consistance habituelle ”.
Le ’uru était remplacé par la banane plantain ou fē’i (banane plantain), et le taro. Fē’i et taro étaient ensuite remplacés par les ufi (igname), ’ūmara (patates douces) ou des dérivés du taro (’āputa ou le ’ape).
Ces derniers, s’ils venaient à manquer, avaient d’autres substituts : pia (aroow-root, dont le temps de préparation était long mais essentiel en raison des effets secondaires possibles), parfois remplacé lui-même par les teve (racine sauvage), hoi (racine de montagne, qu’il fallait habilement préparer) pātara (racine sauvage des vallées, non cultivée), pāra (racine de fougère, cuite ou grillée), pohue (jeunes pousses d’une variété de lianes comestibles) ou encore le pourpier, ’autī. (Serra-mallol, pp. 42, 122-123).
Vous l’aurez compris, le ufi n’était pas un met d’abondance, mais permettait à la population de survivre et de remplacer les tubercules habituels lors de la période de disette, te tau pōai tout en conservant vitamines et nutriments essentiels à leur survie. Car l’igname n’est pas dénué d’intérêt, vous le verrez dans nos recettes.